bandeau


fflag

DÉCLARATION CONCERNANT L’ÉGYPTE ET LE MAROC

ARTICLE I.

Le Gouvernement de Sa Majesté Britannique déclare qu’il n’a pas l’intention de changer l’état politique de l’Égypte. De son côté, le Gouvernement de la République Française déclare qu’il n’entravera pas l’action de l’Angleterre dans ce pays en deman­dant qu’un terme soit fixé à l’occupation Britannique ou de toute autre manière, et qu’il donne son adhésion au projet de Décret Khé­divial qui est annexé au présent Arrangement, et qui contient les garanties jugées nécessaires pour la sauvegarde des intérêts des por­teurs de la Dette Égyptienne, mais à la condition qu’après sa mise en vigueur aucune modification n’y pourra être introduite sans l’assenti­ment des Puissances Signataires de la Convention de Londres de 1885. Il est convenu que la Direction Générale des Antiquités en Égypte continuera d’être, comme par le passé, confiée à un savant Français. Les écoles Françaises continueront à jouir de la même liberté que par le passé.

ARTICLE II.

Le Gouvernement de la République Française déclare qu’il n’a pas l’intention de changer l’état politique du Maroc. De son côté, le Gouvernement de Sa Majesté Britannique reconnaît qu’il appartient à la France, notamment, comme Puissance limitrophe du Maroc sur une vaste étendue, de veiller à la tranquillité dans ce pays, et de lui prêter son assistance pour toutes les réformes administratives, économiques, financières, et militaires dont il a besoin. Il déclare qu’il n’entravera pas l’action de la France à cet effet sous la réserve que cette action laissera intacts les droits dont, en vertu des Traités, conventions, et usages, la Grande-Bretagne jouit au Maroc, y compris le droit de cabotage entre les ports Marocains dont bénéficient les navires Anglais depuis 1901.

ARTICLE III.

Le Gouvernement de Sa Majesté Britannique, de son côté, respec­tera les droits dont, en vertu des Traités, Conventions, et usages, la France jouit en Égypte, y compris le droit de cabotage accordé aux navires Français entre les ports Égyptiens.

ARTICLE IV

Les deux Gouvernements, également attachés au principe de la liberté commerciale, tant en Égypte qu’au Maroc, déclarent qu’ils ne s’y prêteront à aucune inégalité, pas plus dans l’établissement des droits de douane ou autres taxes que dans l’établissement des tarifs de transport par chemin de fer. Le commerce de l’une et l’autre nation avec le Maroc et avec l’Égypte jouira du même traitement pour le transit par les posses­sions Françaises et Britanniques en Afrique. Un accord entre les deux Gouvernements réglera les conditions de ce transit et détermi­nera les points de pénétration. Cet engagement réciproque est valable pour une période de trente ans. Faute de dénonciation expresse faite une année au moins à l’avance, cette période pourra être prolongée de cinq ans en cinq ans. Toutefois, le Gouvernement de la République Française au Maroc et le Gouvernement de Sa Majesté Britannique en Égypte se réservent de veiller à ce que les concessions de routes, chemins de fer, ports, etc., soient données dans des conditions telles que l’auto­rité de l’État sur ces grandes entreprises d’intérêt général demeure entière.

ARTICLE V.

Le Gouvernement de Sa Majesté Britannique déclare qu’il usera de son influence pour que les fonctionnaires Français actuellement au service Égyptien ne soient pas mis dans des conditions moins avantageuses que celles appliquées aux fonctionnaires Anglais du même service. Le Gouvernement de la République Française, de son côté, n’aurait pas d’objection à ce que des conditions analogues fussent consenties aux fonctionnaires Britanniques actuellement au service Marocain.

ARTICLE VI.

Afin d’assurer le libre passage du Canal de Suez, le Gouvernement de Sa Majesté Britannique déclare adhérer aux stipulations du Traité conclu le 29 Octobre 1888, et à leur mise en vigueur. Le libre pas­sage du Canal étant ainsi garanti, l’exécution de la dernière phrase du paragraphe 1 et celle du paragraphe 2 de l’Article VIII de ce Traité resteront suspendues.

ARTICLE VII.

Afin d’assurer le libre passage du Détroit de Gibraltar, les deux Gouvernements conviennent de ne pas laisser élever des fortifica­tions ou des ouvrages stratégiques quelconques sur la partie de la côte Marocaine comprise entre Melilla et les hauteurs qui dominent la rive droite du Sébou exclusivement. Toutefois, cette disposition ne s’applique pas aux points actuelle­ment occupés par l’Espagne sur la rive Marocaine de la Méditerra­née.

ARTICLE VIII.

Les deux Gouvernements, s’inspirant de leurs sentiments sincère­ment amicaux pour l’Espagne, prennent en particulière considération les intérêts que l’Espagne tient de sa position géographique et de ses possessions territoriales sur la côte Marocaine de la Méditerranée; et au sujet desquels le Gouvernement Français se concertera avec le Gouvernement Espagnol. Communication sera faite au Gouvernement de Sa Majesté Britan­nique de l’accord qui pourra intervenir à ce sujet entre la France et l’Espagne.

ARTICLE IX

Les deux Gouvernements conviennent de se prêter appui de leur diplomatie pour l’exécution des clauses de la présente Déclaration relative à l’Égypte et au Maroc. En foi de quoi Son Excellence l’Ambassadeur de la République Française près Sa Majesté le Roi du Royaume-Uni de la Grande­-Bretagne et d’Irlande et des Territoires Britanniques au-delà des Mers, Empereur des Indes, et le Principal Secrétaire d’État pour les Affaires Étrangères de Sa Majesté Britannique, dûment autorisés à cet effet, ont signé la présente Convention et y ont apposé leurs cachets.

Fait à Londres, en double expédition, le 8 avril 1904.

ARTICLES SECRETS

ARTICLE I

Dans le cas où l’un des deux Gouvernements se verrait contraint, par la force des circonstances, de modifier sa politique vis-à-vis de l’Égypte ou du Maroc, les engagements qu’ils ont contractés l’un envers l’autre par les Articles IV, V et VII de la Déclaration de ce jour demeureraient intacts.

ARTICLE II

Le Gouvernement de Sa Majesté Britannique n’a pas l’intention de proposer, quant à présent, aux Puissances de modification au régime des Capitulations et à l’organisation judiciaire en Égypte. Dans le cas où il serait amené à envisager l’opportunité d’intro­duire à cet égard en Égypte des réformes tendant à assimiler la légis­lation Égyptienne à celle des autres pays civilisés, le Gouvernement de la République Française ne refuserait pas d’examiner ces proposi­tions, mais à la condition que le Gouvernement de Sa Majesté Britan­nique accepterait d’examiner les suggestions que le Gouvernement de la République Française pourrait avoir à lui adresser pour intro­duire au Maroc des réformes du même genre.

ARTICLE III

Les deux Gouvernements conviennent qu’une certaine quantité de territoire Marocain adjacente à Melilla, Ceuta, et autres Présides doit, le jour où le Sultan cesserait d’exercer sur elle son autorité, tomber dans la sphère d’influence Espagnole et que l’administration de la côte depuis Melilla jusqu’aux hauteurs de la rive droite du Sébou exclusivement sera confiée à l’Espagne. Toutefois, l’Espagne devra au préalable donner son adhésion for­melle aux dispositions des Articles IV et VII de la Déclaration de ce jour, et s’engager à les exécuter. Elle s’engagera en outre à ne point aliéner tout ou partie des terri­toires placés sous son autorité ou dans sa sphère d’influence.

ARTICLE IV

Si l’Espagne, invitée à adhérer aux dispositions de l’Article pré­cédent, croyait devoir s’abstenir, l’arrangement entre la France et la Grande-Bretagne, tel qu’il résulte de la Déclaration de ce jour, n’en subsisterait pas moins et serait immédiatement applicable.

ARTICLE V

Dans le cas où l’adhésion des autres Puissances ne serait pas obte­nue au projet de Décret mentionné à l’ Article l de la Déclaration de ce jour, le Gouvernement de la République Française ne s’opposera pas au remboursement au pair, à partir du 15 Juillet 1910, des Dettes Garantie, Privilégiée, et Unifiée.

Fait à Londres, en double expédition, le 8 Avril, 1904.

Lord Lansdowne
Paul Cambon

signatures