Intro
Le 8 avril 1904, la France et la Grande-Bretagne signaient à Londres, les accords dits de l’Entente cordiale. Sans qu’il soit question d’un traité d’alliance, les deux pays s’engageaient mutuellement sur la voie de l’amitié. L’épisode essentiel en était le règlement des différents coloniaux, ressurgis notamment lors de l’affaire de Fachoda en 1898. La France s’engageait à ne plus intervenir dans les intérêts égyptiens des Britanniques ; en contrepartie, la France pouvait voir ses projets réalisés au Maroc. Les tensions à propos du Siam, de Terre-Neuve étaient oubliées.
Au-delà d’un règlement purement colonial ou économique, l’Entente cordiale, était le résultat attendu de la volonté des Britanniques et des Français d’enterrer leurs vieilles querelles ancestrales. Déjà, François Ier avait tenté de se rapprocher des Anglais au camp du Drap d’or. Montesquieu ou Voltaire se pâmait devant les institutions d’outre-Manche. Disraeli avait montré la nécessaire collaboration franco-britannique, au maintien de l’équilibre des forces en Europe et dans le Monde. On se souvient de la clémence de la Grande-Bretagne suite au désastre napoléonien de Waterloo ; on se souvient également de la rencontre à Eu entre la jeune Reine Victoria et l’anglophile septuagénaire Louis-Philippe, de la collaboration des deux pays lors de la guerre de Crimée et du rapprochement « intime » entre la reine et Napoléon III , sous l’influence de Cobden, du traité de libre échange de 1860 …Une Entente aussi bien politique, économique que culturelle. Une Entente que l’on qualifiait déjà de cordiale.
Cette volonté de rapprochement définitif et d’amitié, nous la devons surtout à des hommes courageux : les premiers d’entre eux étaient sans nul doute le Roi Édouard VII, Théophile Delcassé, Ministre des Affaires étrangères, Lord Lansdowne, Secrétaire au Foreign Office, Émile Loubet, Président de la République française. Sans oublier le rôle primordial des ambassadeurs : Sir Edmund Monson qui le premier, devant la chambre de commerce Britannique de Paris, alors qu’il était Ambassadeur de Grande-Bretagne, avait fustigé les « coups d’épingle » de la presse française à l’encontre des Britanniques, et soumettait l’idée d’un rapprochement cordial. Soulignons le rôle prééminent de Paul Cambon, ambassadeur de France à Londres pendant vingt ans et qui par son action décisive avait rendu possible cette Entente cordiale.
Les conséquences de ce rapprochement furent considérables. Durant toutes les terribles épreuves du vingtième siècle, l’amitié franco-britannique ne faillira jamais. Certes, des crises multiples ont jalonné les rapports des deux pays, mais jamais il n’y eut défection de l’un envers l’autre. D’Algésiras au sacrifice de ses enfants sur la terre de France durant les deux guerres mondiales, la Grande-Bretagne a su être le soutien sûr de la France. En juin 1940, il y eut même le projet fou de Jean Monnet et de Winston Churchill, de ne faire plus qu’un état des deux pays, alors que la France était envahie. C’est à Londres que la résistance s’organisa. La Grande-Bretagne nous épargna aussi un démembrement de notre empire colonial lors des négociations de fin de guerre. Quant à la France, elle sut très vite jouer son rôle de première ligne continentale, notamment lors de deux grandes guerres. C’est également ensemble et à Suez en 1956, que les deux pays se virent mettre au rang de puissances de second ordre.
Au-delà donc des aléas politiques, voici cent ans que la Grande-Bretagne et la France traversent les gloires et les vicissitudes. Cent ans qu’elles n’éprouvent le besoin de se confronter que sur les terrains de rugby ou de football. Cent ans que Ravel et Elgar croisent leurs musiques au-dessus de la Manche.
Aujourd’hui, nombreux sont les Britanniques qui vivent en Provence, en Charente-Maritime, en Normandie ou à Paris. Nombreux sont les Français qui travaillent à Londres. La Grande-Bretagne et la France collaborent maintenant et pleinement dans les domaines scientifiques, technologiques avec par exemple, la co-réalisation du Concorde, ou politiques… Nos différences de mode de vie, de culture, de langue, nous ont en fait rassemblés par l’étonnement, la curiosité et l’admiration qu’elles nous suscitaient.